Wiki

Dispositif éditorial collaboratif info-communicationnel

Wiki est un système de gestion de contenu collaboratif mis en place par Ward Cunningham en 1994 ayant pour idée initiale de proposer un espace de partage et de mutualisation de réflexions supposant une égalité des éditeur·ices vis-à-vis des possibilités de contribution. Dans son article intitulé « Le wiki : un dispositif d’écriture « émergente » publique et coopérative ? », Vincent Mabillot, enseignant chercheur en sciences de l’information et de la communication, qualifie le wiki de dispositif d’écriture « émergente » en ce qu’il donne naissance à de nouvelles modalités d’écriture tant d’un point de vue technique que social. En rupture aux modes de publications statiques, le wiki incarne un dispositif éditorial issu du web dynamique signifiant que « les sites web ne sont plus des lieux de diffusion d’un contenu crée ailleurs, mais bien le lieu d’édition, de production, de reproduction et de diffusion du contenu » (Mabillot 2012 : 74). À la différence des réseaux sociaux ou des blogs, il engage des « pratiques collaboratives » qui dessinent un autre mode d’écriture inscrit dans un web social1. Nécessitant la collaboration, à travers la possibilité d’intervention sur les contenus des autres contributeur·ices, il se distingue des autres CMS (content management systems) reposant sur des logiques coopératives qui « recouvre[nt] un cheminement collectif dans lequel chaque contributeur effectue une tache individuelle qui constitue ultérieurement un élément d’un tout coordonné et planifié a priori » (Jacquemin, 2010 :119).

Dans le cadre d’une recherche autour de wiki2 visant le partage de « savoirs » c’est-à-dire de savoirs en train de se faire, d’habilités acquises par l’expérience elle-même, la conception du wiki comme dispositif d’écriture collaborative, entendue comme possibilité d’écriture à plusieurs mains semble limitée si elle n’est pas comprise dans un sens plus large de participation à la constitution d’un fond de ressources communautaire. Le wiki est à lire comme un dispositif sociotechnique en ce que ses agencements matériels, technologiques et symboliques ont des effets cognitifs et sociaux sur les contributeur·ices. La dimension collaborative inhérente au wiki résulte de discours véhiculant les valeurs de la culture du libre émergente au même moment « fond[é]s sur une certaine idéologie du partage » qui « participe[nt] à construire informatiquement un lieu d’échange entre acteurs d’une même communauté » (Chagnoux, M., & Humbert, P). Pour Bérengère Stassin, enseignante chercheuse en sciences de l’information et de la communication, le wiki, à l’instar du site collaboratif Wikitrans fonctionne par la réunion « d’un groupe d’individus [] autour d’un intérêt commun et engagés dans la production d’un corpus de « ressources », de documents et discours » (Stassin, 2021 : 2). Elle insiste sur la fonction de « mise en commun d’expertises et de connaissances » qui vise à constituer des « communautés de savoir » en rassemblant « communauté de pratique », mettant en commun de savoirs expériencés et « communauté épistémique », dès lorsque de nouvelles formes de connaissances sont élaborées. Appréhender le wiki par le concept de « communauté de savoir » semble pertinent pour saisir comment se forme une communauté autour d’un intérêt convoquant un processus de partage et de production de connaissances. Plus encore, pour comprendre le fonctionnement de la communauté, il s’agirait de s’attarder sur ce qui se partage ainsi que la façon dont les choses sont partagées, plutôt que sur l’intérêt commun (Millerand,Heaton, Proulx, 2011).

À travers une étude du wiki3 de low-tech Lab4 qui collecte des tutoriels de prototypes d’objets de l’ordre du Do It Yourself il s’agira de se demander comment le partage et la centralisation de pratiques dites lowtech contribuent à la fabrication d’une communauté éparpillée autour des questions d’autonomie et de résilience. De la même manière que Millerand, Heaton et Proulx interrogent le processus de formation d’une communauté épistémique relative au site collaboratif Tele Botanica, « comment l’usage du dispositif sociotechnique [Low-tech Lab] permet-il l’émergence et la stabilisation d’une communauté épistémique autour du partage et de la production des savoirs [lowtech] »5? Comment et par quels biais s’opère la mise en relation entre les contributeur·ices ?

Bibliographie

Chagnoux, M., & Humbert, P. (2018). Chapitre 6. Wiki, boîte à outils ou de Pandore ? In É. Cavalié,

F. Clavert, O. Legendre, & D. Martin (Éds.), Expérimenter les humanités numériques : Des outils individuels aux projets collectifs (p. 63-79). Presses de l’Université de Montréal. http://books.openedition.org/pum/11112

Jacquemin, B. (2010). Chapitre 7. Un dispositif de collaboration : L’exemple de Wikipédia. In Les dispositifs d’information et de communication (p. 117-136). De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.masso.2010.01.0117

Mabillot, V. (2012). Le wiki : Un dispositif d’écriture « émergente » publique et coopérative ? Communication & langages, 2012(174), 69-84. https://doi.org/10.4074/S0336150012014068

Millerand, F., Heaton, L., & Proulx, S. (s. d.). Émergence d’une communauté épistémique : Création et partage du savoir botanique en réseau. 14.

Stassin, B. (2021). Wiki Trans : Une communauté de savoir sur la transidentité. Communication, technologies et développement, 9, Art. 9. https://doi.org/10.4000/ctd.3723


  1. Le web social désigne des « ensembles de dispositifs et d’usages émergents, marqués par la participation active des usagers dans la production et la diffusion des contenus circulant sur le Web » (Millerand, Heaton, Proulx, 2011:1). 

  2. https://wiki.faire-ecole.org/wiki/Ressources-classe-dehors , https://fermesnovatrices.be/wakka.php?wiki=PagePrincipale, https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Accueil 

  3. Comme pour le Wiki trans, le terme de wiki est utilisé tandis que le site n’utilise pas un système inscrit dans le mouvement de la culture libre mais recourt à des plateformes privées et propriétaires. 

  4. Low-tech Lab est une association visant à sensibiliser autour des démarches dites Lowtech. 

  5. « Comment l’usage du dispositif sociotechnique Tela Botanica permet-il l’émergence et la stabilisation d’une communauté épistémique autour du partage et de la production de savoirs botaniques ? » (Millerand, Heaton, Proulx, 2011 : 2)